samedi 15 octobre 2016

Le jour où il faut le vivre pour le comprendre

J'avoue ne pas trop aimer ça, le fait de dire à quelqu'un que tant qu'il n'a pas vécu quelque chose, il ne peut pas comprendre. D'ailleurs, c'est quelque chose qui fait écho dans mon métier. Ce n'est pas parce que je n'ai pas de lymphome que je ne peux pas comprendre les conséquences que cela peut avoir sur la vie professionnelle ou personnelle. Ce n'est pas parce que je n'ai pas d'enfant que je ne suis pas en mesure de conseiller un couple de parents en difficulté éducative avec leur enfant. Ce n'est pas parce que je ne vis pas avec le RSA que je ne peux pas comprendre les difficultés  financières vécues par les bénéficiaires de ce minima social. Et les exemples sont multiples. 
Cependant, dernièrement, j'ai vécu quelque chose qui m'a fait penser le contraire. Ou du moins qui m'a fait nuancer ce que je pensais jusque là. Ca faisait pourtant déjà 13 mois que j'étais dans le circuit de la PMA et donc de l'attente et des espoirs (déçus) d'une grossesse. Ca faisait pourtant plus de 2 ans que nous attendions, mon mari et moi, une grossesse. Et pourtant, malgré tout ça, je me suis aperçue que les enjeux et les mécanismes de la FIV, qui est donc une des étapes ultimes de la PMA, ne peuvent être réellement compris que si on passe par là. Bien entendu, j'ai toujours été en empathie avec les copines passées par là avant moi. Bien entendu, je m'imaginais à quel point ça allait être intense et difficile. 

Déjà, il y a eu toutes les déceptions, en début de protocole, quand à chaque échographie la tête du gynéco laisse ressortir que ton utérus ne fournit pas ce qui était attendu avec les traitements que tu t'administres chaque jour. Et donc, très vite, tout tourne autour de ça, tu ne penses qu'à ça. A chaque nouvelle injection, tu espères que ton endomètre sera bien épaissi à la prochaine écho, tu pries pour qu'il y ait plusieurs follicules suffisamment matures pour déclencher une ovulation. 
Ensuite, le stress de la ponction. Si on met de côté le stress de l'anesthésie générale et des douleurs qui surviendront par la suite, c'est une véritable angoisse d'attendre les biologistes, dans ta chambre d'hôpital. Car ce sont eux qui détiennent la suite, ce sont eux qui sont en possession de ton espoir de grossesse. Quand tu les vois arriver dans la chambre, tu essayes de décrypter leur comportement afin de savoir s'ils viennent t'annoncer une bonne ou une moins bonne nouvelle. Dans notre cas, pour cette FIV 1, ce fut une bonne nouvelle. 6 ovocytes ont été collectés. Un putain de miracle quand 36h plus tôt encore, au moment de la dernière écho, juste avant le déclenchement, le Dr Mamour t'avait laissé bien conne, sans trop d'espoir, en sous entendant qu'il n'y aurait pas grand chose à collecter. 6, ce n'est pas rien. Merde, j'ai réussi ! Toutes ces putains de piqûres enfoncées dans ma chair avaient enfin donné le résultat attendu. 
Mais en fait, la ponction, c'est rien. C'est du pipi de chat. Car après la ponction, c'est l'attente qui est insoutenable. Parce que tes 6 ovocytes sont hors de ton corps et entre les mains de biologistes. Certes, ils en prennent sûrement grand soin, mais sont-ils aussi bienveillants que toi envers tes ovocytes ? Que se passe-t-il dans ce laboratoire, loin de ton utérus ? Tu es désormais reliée à tes ovocytes par le téléphone. Un appel matinal par jour, vers 8h15, pour te dire comment ils vont. 
Passée la joie de la première annonce : 4/6 ovocytes ont survécu et ont donné des embryons. Tu exploses de joie. Tu as 4 embryons, 4 futurs potentiels bébés qui évoluent ... encore une fois loin de toi. Bien sûr, les échecs passés te font penser qu'au final, ils sont mieux loin de toi, que sans toi, ils se développeront certainement mieux, mais ça n'empêche que tu continues à angoisser. 
Et ton explosion de joie du mardi matin fait place à la déception et la quasi perte d'espoir quand la biologiste t'appelle pour te dire que les embryons évoluent lentement, qu'ils ne sont qu'à 2 cellules, que ce n'est pas préjudiciable pour la suite mais que voilà, ils sont longs à se développer. C'est facile pour elle, c'est son métier. Des embryons, bons, moins bons ou mauvais, elle en voit tous les jours. Mais là, ces 4 embryons, se sont les tiens. Et tu es impuissante. Tu ne peux rien faire. Tu ne peux rien faire car à l'heure où on t'annonce ça, ton utérus est archi vide de tout. Tu as juste droit à des douleurs pelviennes qui se réveillent et te clouent au lit. Alors tu cherches à t'accrocher à quelque chose. A un espoir. Mauvaise idée que d'appeler ta mère, car elle prend cette annonce comme un drame et un nouvel échec. Mauvaise idée que d'appeler une amie qui n'est jamais passée par là, car elle sera trop optimiste et te poussera à y croire, peut-être pour rien. La bonne idée c'est donc d'en parler à celles qui ont connu ça. Parce qu'au fond, tu sais que ce sont les seules qui auront les vrais mots. A la fois pleins d'espoir et à la fois réaliste. Et tu attends le prochain appel. 
Celui qui te dira que les embryons évoluent bien et que tu auras ta réimplantation 2 jours plus tard. Parce qu'avec la FIV, tu n'as pas la place au flou. Tout est minuté, planifié. On peut être certains qu'on aura aucun doute sur la conception de notre enfant, puisque d'ailleurs, nous n'aurons pas été réellement acteurs de cette conception. C'est une sensation tellement étrange de se dire que tout se passe hors de nous. Hors de notre contrôle. Même si dans les faits, une grossesse dite naturelle ou spontanée, se passe également sans notre contrôle. Ca se passe, point. 

Je ne pensais pas qu'au final, ce qui serait le plus dur à vivre ne serait pas toutes les piqûres, prises de sang et examens divers mais bien le fait que tout se passe hors de moi. Quand j'étais sous simple stimulation, ou même en protocole d'insémination artificielle, j'avais l'impression que les jeux se jouaient en moi. Là, c'est tout le contraire. Même une fois la réimplantation faite, quelle étrange sensation que de se dire qu'il y a déjà un embryon. Le seul mystère restera alors : va-t-il ou non tenir ? Alors qu'avant, il y avait tant de mystère lié à une éventuelle grossesse. Quand l'ovulation se produisait, on espérait, on imaginait mais on ne savait pas si la rencontre s'était faite. Là, on sait. Et aussi, tout le monde le sait. 

Bien sûr, cela reste notre choix d'en parler autour de nous. Mais choix ou pas, je pense qu'il est très difficile de ne pas parler de son parcours PMA à notre entourage qu'il soit personnel ou professionnel. Comment expliquer à mes collègues mes absences prévues et imprévues ? Comment justifier à ses parents que nous ne pouvons pas venir ce jour là car nous avons RDV avec le Dr Mamour ? Comment demander à une amie de nous accompagner à la clinique sans lui dire pourquoi ? 
Pour nous, la PMA est quelque chose de non-tabou, au sein de notre couple et de notre entourage. On le vit bien - enfin disons qu'on le vit aussi bien que possible hein, je vais pas te dire qu'on est super heureux d'avoir du passer par là pour devenir parent. Mais parfois, on se laisse à penser ce que ça serait si on n'avait pas du en passer par là. Parler juste de notre envie de bébé, et nous laisser choisir le moment de la grossesse où on le révélera à nos proches ... Que ce soit dès le test positif ou au 3ème mois de grossesse. Qu'on ait réellement le choix de le cacher longtemps ou pas. Parce que là, quand tu es arrêtée 15 jours post-ponction, tes collègues sont forcément dans l'attente que tu leur annonces la bonne - ou mauvaise - nouvelle. Quand ta mère t'appelle tous les jours pour savoir comment tu vas et comment vont tes embryons (question qu'elle ne me poserait pas si j'étais en essai-bébé simple ...), tu te vois mal ne rien lui répondre le 14ème jour quand tu auras récupéré les résultats de ta PDS. Ou alors, il faut mentir ? 

Tout ce blabla pour en revenir à ma réflexion de départ, sans prétention aucune, sans me la jouer dramatique ... mais oui, maintenant que j'ai vécu un premier protocole de FIV, je suis persuadée qu'il faut l'avoir enduré pour comprendre réellement ce que ça fait, aussi bien sur le corps que dans la tête. 
J'espère que mon expérience s'arrêtera à cette FIV 1. Afin de ne pas avoir à comprendre ce que l'on ressent après un échec de FIV. Parce que là, on sait qu'il y a un embryon, contrairement à l'insémination où il y a toujours le doute que la rencontre se soit faite ou non. Afin de ne pas avoir à comprendre ce que l'on ressent quand on doit tout reprendre à 0, se relever après un échec et des espoirs déçus. 

La vue depuis ma chambre d'hôpital ... une jolie vue pleine d'espoir je trouve.

7 commentaires:

  1. piouf, j'en reste sans voix, donc sans commentaire réellement...

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  2. je reviens ici... j'ai réfléchi à mon commentaire précédent. Je ne sais pas si j'ai été adroite dans ce que je voulais dire...
    en fait, ton article m'a pris aux tripes... Non pas que j'étais choquée par ce que tu disais...
    C'est très fort ce que tu écris, et je tenais à le saluer, au point qu'en fait, tu as tout dit et on ne peut rien rajouter.

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  3. Oh mais pourquoi je ne reçois plus les notifications à tes articles ! Je vais tenter de me réinscrire encore... Du coup, j'ai BEAUCOUP d'articles en retard mais c'est avec plaisir que je vais les lire :o)
    Gros bisous

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  4. Coucou!
    Ton article est très touchant, malheureusement je connaît pas mal de personnes dans ta situation, c'est très triste et bien sûr je ne peux pas comprendre ou me mettre à leurs places, car je ne vit pas ce que vous endurer. Je suis de tout cœur avec toi ♥

    http://beautycandypink.blogspot.fr

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  5. Je ne connais pas ce parcours mais à te lire ça semble vraiment éprouvant je te trouve très courageuse moi ( je ne sais pas si je l'aurais eu à ta place ) je vous souhaite tout plein de bonnes choses et surtout une belle "rencontre"

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  6. Je me retrouve presque dans chacun dans de tes mots.
    Lorsqu'on met les pieds en PMA, le regard sur les choses et le monde change.
    Mon regard en tout cas a changé.
    A la différence près que j'ai peu dit. 2 collègues dont j'étais le plus proche, la secrétaire RH pour caler mes récup. Nos parents et 2 amis. Je n'étais pas prête à répondre aux questions, aux attentes, à la pitié...
    Je te souhaite infiniment que ce chemin vous apporte le bonheur.

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